“Votre enfance ?”
S.L
: “
Parler de mon enfance nécessiterait une dissertation importante, un
roman. Je ne peux pas la résumer en quelques lignes. Sachez seulement
que ce fut une situation terriblement, et de ce fait, merveilleusement
complexe, qui m’a menée aujourd’hui à ce que je suis.”
“Votre enfance et les fragrances ?”
S.L :
“
Mon enfance ne fut pas particulièrement liée aux fragrances. Je suis né
dans le nord de la France, et rien de particulier ne me destinait au départ aux
parfums, si ce n’est la proximité d’une usine de pains d’épices, à côté de la
maison de mon enfance qui saturait par moments la rue d’odeurs à la fois très
présentes et proches de l’écoeurement. Plus tard, c’est en traversant la rue de
Tournai, qui était à l’époque la rue de Lille où vivait une partie de la population
maghrébine, que je fus mis au contact de ses odeurs d’épices, de musiques, de
couleurs…Mais aucun sens chez moi ne peut-être isolé des autres. Ils fonctionnent
ensemble. Mes parfums ne contiennent pas des odeurs mais des émotions
.”
“Vos débuts dans le monde olfactif ?”
S.L :
“
Cela a commencé en 1942, à ma naissance! Dés que, sorti du
liquide amniotique, tout est senti et ressenti chez l’enfant, avec une
violence terrible. Bien sûr, tout ne tient pas qu’à ce sens de l’odorat;
c’est un ensemble qui rend chaque individu unique: l’éducation, la
religion, sa situation géographique, sa sensibilité …”
“Your childhood?”
S.L
:
“To speak of my childhood would require a long dissertation,
a novel. I cannot summarize it in a few lines. Know just that it was
a situation terribly – and thus, marvellously — complex, which brought
me to what I am today.”
“Your childhood and the fragrances?”
S.L :
“My childhood was not particularly linked to fragrances. I was born
in the north of France and nothing in particular destined me from the
beginning to perfumes, if not the proximity to a gingerbread manufacturer,
next to my childhood home, which at times saturated the street with odours
both very present and almost nauseating. Later, it was crossing the rue de
Tournai, then called the rue de Lille, where a part of the Maghrebi
population lived, that I came into contact with the odours of spices, music,
and colours of North Africa… But none of my senses can be isolated from
another. They work together. My perfumes contain not scents but emotions.”
“Your start in the olfactory world?”
S.L :
“It began in 1942, at my birth! As soon as we’re out of the amniotic
liquid, the child smells and experiences everything, with a terrible
violence. Of course, not everything goes back to the sense of smell
;
it is
an ensemble which makes every individual unique: education, religion,
geographical situation, sensitivity…”
Les puissances sensorielles et mémoratives du parfum ont l’absolu pouvoir
d’attiser les mots
“Or, dans les chambres du château, il y avait des
rayonnages du sol jusqu’aux plafonds. Ils contenaient toutes les odeurs
que Grenouille avait collectionnées au cours de sa vie, plusieurs millions.
Et dans les caves du château, reposaient dans des tonneaux, les
meilleurs parfums de sa vie.”
- Le parfum, Patrick Süskind. Elles révèlent
les images.
“On grandit souvent sans réponse, entre les non-dits et les
questions sans réponse, et puis un jour on regarde en¥n ses parents pour
ce qu’ils étaient …”
- Pour une femme, Diane Kurys. Peut-être! Seul,
Pour une femme, le parfum d’une femme, le temps qu’elle aimait
l’homme qui aurait du être celui de sa vie, nargue l’incertaine
interprétation du temps. Elles éternisent les personnalités, Coco ne
s’af¥rmait-elle pas radicalement en s’embaumant du cultissime N°5?
Volatile, je changeais souvent de fragrances en passant du défunt
“Macassar” de Rochas au chasseur de dragon d’YLS: “Opium”. Mais
c’est l’ambre, “L’Ambre Sultan” de Serge Lutens qui m’a soumis à la
¥délité. Flânant Palais Royal, encore embaumée du désir des libertins,
je pousse la porte du 142 Galerie de Valois. Impératif pour moi de
comprendre le pourquoi de cette soudaine soumission! Serge Lutens!
Qui est donc ce mage à l’invincible pouvoir de fasciner le nez?
De Marrakech, ville aux essences presque indécentes de diversités et
de subtilités, il délaisse pour un court temps ses alambics pour,
discrètement me rejoindre sur le net. Histoire pour moi de m’octroyer
d’ingérables et fascinantes sensations.
The sensorial and memory-inducing potency of perfumes has the absolute
power to in¯ame words.
“Now, in the rooms of the castle, there was
shelving from ¯oor to ceiling. They contained all the odors which
Grenouille had collected in the course of his life, several millions. And in
the cellars of the castle lay the barrels, the best perfumes of his life.”
Perfume: The Story of a Murderer, Patrick Süskind. Perfumes reveal
images.
“We often grow up without answers; between things left unsaid
and questions without responses, and then one day at last we see our
parents for what they were…”
For a Woman, Diane Kurys. Perhaps!
Alone, For a Woman, the perfume of a woman, from the time she loved
one who should have been the man of her life, mocks the uncertain
interpretation of time. Perfumes immortalize personalities; didn’t Coco
dramatically af¥rm this in perfuming herself with cult favourite N°5?
Volatile, I often changed fragrances, passing from the no-longer-produced
Macassar of Rochas to the dragon hunter of YLS: Opium. But it is amber,
the Ambre Sultan of Serge Lutens, which has subjected me to faithfulness.
Strolling through the Palais Royal, perfumed still in the desire of the
libertines, I pushed open the door of 142 Galerie de Valois. I must
understand the reason for this sudden submission! Serge Lutens! Who
then is this magician with the invincible power to fascinate the senses?
From Marrakech, a city of essences almost indecent in their diversity and
subtlety, Serge Lutens left his alembics for a short while to join me
discretely online. The opportunity to grant myself unmanageable and
captivating sensations.