On le sait, il choisit ensuite d’étudier la médecine et excella tellement dans
le dessin anatomique que c’est une critique de mode qui interrogea
l’étudiant, après avoir vu ses croquis avec ceux qu’esquissaient sa lle (elle
aussi étudiante en médecine dans le même groupe de T.D.). Elle sût faire
dire à Julien sa passion pour la mode. Loin d’être étonnée, la journaliste lui
conseilla alors de délaisser piano et croquis anatomiques pour se saisir d’un
crayon et exercer ses doigts, comme son cerveau, à dessiner. C’est donc
bien par l’art de l’écorché que le carabin embrassa la mode, d’abord via
l’illustration, croquis oblige.
J’ai rencontré Julien Fournié quelques années plus tard. Il avait fait un passage
à Duperré, était sorti diplômé de l’École de la Chambre Syndicale, avait
déjà effectué de nombreux stages chez Dior, Givenchy, Nina Ricci,Céline ;
il avait signé ses premiers contrats comme assistant auprès de Jean Paul
Gaultier, puis de Claude Montana. Bref, il avait appris le b.a.-ba du métier
avec les plus grands. Ensemble, nous sommes entrés, lui comme Directeur
Artistique, moi pour m’occuper de la communication, chez Torrente Haute
Couture. Son premier dé lé dans cette discipline d’excellence était
foisonnant, multiple, opulent jusqu’à générer la saturation. La presse française
n’y décela ni la liation avec la fondatrice de la maison dont il reprenait le
style, ni même une esthétique propre au jeune designer, tant chaque numéro
était pensé indépendamment du précédent et du suivant. Quel en était donc
le point commun ? Il contenait pourtant déjà la vraie démarche de Julien
Fournié. Intitulée de façon candide “Paris-Oz”, la collection faisait la part
belle à ce que, depuis Aristote, les philosophes nomment catharsis. La
représentation de mode qu’il livrait conjurait bien des peurs universelles à
purger via le podium. Libérer l’être de ses pulsions, via leur représentation,
est la clé de toute une partie du travail de Julien Fournié. La suite l’a prouvé
depuis maintenant plus de dix années. Régulièrement, le couturier tente,
martèle comme une mélopée à laquelle il ne saurait échapper, cette mise en
scène via le vêtement d’une douleur qu’il trans gure. Depuis qu’il a ouvert la
maison qui porte son nom, Julien Fournié l’a notamment osé dans sa
collection “Premier Hiver” (automne/hiver 2010-11) à travers le prisme de
la souffrance des femmes. Sa robe “ensanglantée”, souf e d’organza chair
barré de l’ombre d’une fresque médiévale dans le bas, marquée de cristaux
rouge sang autour du cou, sur les omoplates et le décolleté, stigmatise la
décapitation des guerres de religion ou de la révolution française et met en
évidence l‘angoisse du basculement d’un destin de femme. Aucune
complaisance ici dans le sensationnalisme, mais une esthétique qui
s’affranchit de toute idéologie et religion.
We know how he chose to study medicine and so excelled at
anatomical drawing that he drew the attention of a fashion critic, who
saw his sketches along with her daughter’s (in the same seminar at
medical school). She knew how to bring out Julien’s passion for fashion
and, far from surprised, advised him to drop both the piano and
anatomical sketches and to pick up a pencil instead, to train both his
ngers and brain to draw. It was thus through the art of anatomy that
the medical student embraced fashion, rst and foremost through
illustration.
I met Julien Fournié a few years later. He had already stopped by
Duperré, graduated with a degree from the prestigious Ecole de la
Chambre Syndicale school of fashion, completed numerous internships
at Dior, Givenchy, Nina Ricci and Céline; he had signed his rst contracts
as assistant with Jean Paul Gaultier, and later with Claude Montana. He
had learnt his ABCs from the best. We began together at Torrente Haute
Couture, he as Artistic Director while I took care of communications. His
rst runway show in this highly demanding discipline was lush, multiple,
and rich almost to the point of saturation. Each section was so
independently thought out from the previous and the following that the
French press failed to notice either the similarities with the style of the
company’s founder, or the young designer’s own aesthetics. But what was
the common thread? It could already clearly be characterised as Julien
Fournié’s. Candidly titled “Paris-Oz,” the collection honoured what
philosophers since the time of Aristotle have referred to as catharsis.
Indeed, the representation of fashion he delivered conjured universal fears
to be purged via the catwalk. Freeing the impulsive being through its
representation is the key to a whole part of Julien Fournié’s work. The past
ten years have proven as much. Like a pounding chant he cannot escape,
the designer returns again and again to this staging through clothing of
a pain he trans gures. Since the time he opened his fashion house under
his own name Julien Fournié has dared this feat, most notably through his
collection “First Winter” (Autumn/Winter 2010-11), through the prism of
women’s suffering. His “bloody beading” dress, a breath of esh-coloured
organza bared with the shadow of a medieval fresco along the bottom,
marked with blood red crystals around the neck, shoulder blades and
cleavage, stigmatizes the beheadings of religious wars or the French
Revolution and highlights the anxiety linked to the shift in women’s destiny.
There is no indulgence here in sensationalism, rather an aesthetic which
frees itself from all ideology and religion.
“Aucune complaisance ici dans le sensationnalisme,
mais une esthétique qui s’a ranchit de toute idéologie et religion.”
“ ere is no indulgence here in sensationalism, rather an aesthetic
which frees itself from all ideology and religion.”