ZEBULE N°6 - ULTIME - page 128

Dans
Dogma
, les photographies sont frontales. Rien d'objectif
cependant à cette apparente neutralité, mais bien la seule vérité que
peut capter Aurélien Villette. Alors, dans ce processus de
réappropriation d'une image détachée du réel, commence sans doute
la recherche la plus intime.
Grâce au travail des textures, aux retouches et aux manipulations,
l’artiste extrait de la chambre noire ce qui était enfoui, tu et ignoré.
Où se trouve, dès lors, la frontière entre le réel et le créé ? Tout l'art
d’Aurélien Villette consiste précisément à ne jamais franchir la limite mais,
en funambule, à s'y balader pour que, chez le spectateur aussi, surgisse
ce même questionnement. Comme il appartient à chacun, †nalement,
de construire, déconstruire et reconstruire sa propre réalité à partir de
bribes de réel puisées, extraites et manipulées.
Les vérités sont multiples, se construisent, se déconstruisent et se
reconstruisent à plusieurs dans une dialectique sans †n. Sisyphe, c'est nous.
La série Dogma invite à la ré‰exion et au questionnement plutôt qu'aux
réponses ; au devenir à travers le passé et le présent.
La série
Dogma
cherche à rendre compte des vérités faites et défaites
par les hommes : croyances, religions, diktats politiques ou économiques.
Elle les traque partout où l'humain, croyant résister au temps, voulant fuir
la mort et l'anéantissement, vaincre l'éphémère de son passage sur Terre,
l’a imprimée de ses portraits polychromés, l'a modelée en mémoriaux.
Eglises reconverties en dortoirs, salles de congrès vides de foules et de
leaders, casernes envahies de chienlit. Ces bâtiments dressent encore
leurs limites. Entre leurs murs, sur leurs cimaises ou sous leurs toits, les
couches de dogmes et de doxas se superposent. Le temps semble s'y
être arrêté pour y †ger le vrai, le certain et le réel d'hier. Aujourd’hui,
d'autres certitudes et croyances les ont désormais balayés ou déplacés.
Un jour, le temps fera son travail sur elles aussi.
Les intérieurs d'autrefois sont aujourd'hui exposés aux éléments naturels.
La frontière entre la nature et la civilisation, le dedans et le dehors, le
passé et le présent, s'estompe. Clichés mélancoliques, mais pas
seulement. La beauté des architectures émeut par sa vulnérabilité.
Grandiose et fragile à la fois.
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